L’activité physique régulière est très populaire pour le bien-être et la santé. Quel est l’impact réel des recommandations actuelles sur l’incidence des cancers ? Une étude publiée dans J Clin Oncol […] a analysé les données de 9 cohortes comportant à la fois des informations sur l’activité physique exprimée en heures/semaines (ou équivalent) et l’incidence des cancers. Cette méta-analyse sur données individuelles a inclus 755.459 sujets, suivis en moyenne 10 ans, et plus de 50.000 cas incidents de cancer de 15 types différents. La quantité d’exercice actuellement recommandée (2,5-5 heures d’activité modérée/semaine) était associée à une diminution (10 à 27%) de l’incidence de 7 types de cancer (colon, sein, endomètre, rein, myélome, foie et lymphome non-Hodgkinien). Cette réduction était généralement similaire chez les hommes et les femmes (excepté pour le cancer du colon beaucoup plus impacté par l’activité physique chez les hommes). Une activité physique plus fréquente induisait une plus grande protection (effet dose-dépendant linéaire) pour plusieurs types de cancer (colon chez les hommes, endomètre, sein) tandis que pour d’autres (rein, foie et lymphome non-Hodgkinien) un plateau était observé au-delà de fréquence recommandée. Dans une analyse par sous-groupes, le lien entre une activité physique vigoureuse et l’incidence des cancers a été étudié à partir de 5 cohortes avec des résultats plus mitigés. Pour les auteurs, cette étude permet de valider les recommandations actuelles […] concernant l’activité physique en zone aérobie et elle incite  à une large promotion de cette mesure de prévention dans la population générale. 

Commentaires

Le lien entre la pratique d’une activité physique régulière et le risque de cancer est connu depuis longtemps. Cependant, l’évaluation quantitative de cette mesure de prévention par type de cancer reste fragmentaire en raison notamment du manque d’informations standardisées sur l’activité physique dans les études antérieures. En l’absence d’essai d’intervention randomisé dans ce domaine, cette méta-analyse apporte une réponse pertinente à la question initiale.

Quelques points négatifs peuvent être relevés. Les auteurs ont limité les investigations à 15 types de cancer (les plus fréquents) et aucun résultat n’est donné sur l’ensemble des cancers. Le cancer du poumon n’a pas été inclus dans l’analyse en raison d’une forte confusion résiduelle dans la prise en compte du tabagisme. Plus surprenant est l’absence de résultats concernant le cancer de la prostate, l’un des plus fréquents chez l’homme. On peut regretter également l’absence d’information sur les sous-types histologiques de cancer.

La réduction du risque de cancer en fonction de l’activité physique est-elle biologiquement plausible ? Plusieurs types de cancer sont liés à l’obésité (sein, endomètre, colon, rein) et la réduction (ou le maintien) du poids lié à l’activité physique peut être un des mécanismes expliquant le bénéfice observé. Le poids semble particulièrement impliqué dans la diminution du risque de cancer de l’endomètre liée à l’activité physique (disparition de l’effet protecteur après ajustement sur l’indice de corpulence) en lien possible avec la réduction des estrogènes synthétisés par le tissu adipeux chez les femmes ménopausées. Cependant, l’activité physique a un effet limité sur l’obésité expliquant peut-être la réduction modeste (6 à 10%) du risque de cancer du sein. Alternativement, l’exercice physique a des effets importants sur le métabolisme hépatique (glycogénèse et régulation de la glycémie, lipolyse)  qui peuvent expliquer une réduction plus importante du risque de cancer du foie (20 à 27%). 

Cette étude doit être interprétée avec prudence en raison notamment de sa nature observationnelle. L’activité physique est associée à un mode de vie « sain » dont certaines composantes ne sont pas prises en compte dans l’analyse (données nutritionnelles par exemple). Il est donc difficile d’isoler ce facteur au sein d’un « profil favorable » et son effet propre reste incertain. L’activité physique n’est peut-être qu’un marqueur de bonne santé dont on surestime l’impact dans les études de cohortes.  

En pratique, la promotion de l’activité physique est justifiée sur la base de données scientifiques mais elle nécessite une bonne information sur sa balance risque/bénéfice. Certains types d’activité physique peuvent exposer à des risques de santé (exposition au soleil, pollution, ..) mais les bénéfices l’emportent largement dans un contexte de loisir. La pratique d’un sport intensif ou d’une activité physique intense reste en revanche sous-évaluée et appelle de nouvelles études. Les aspects économiques de l’activité physique (rapport coût-efficacité, prise en charge sociale,..) soulèvent des questions auxquelles il faudra répondre clairement dans le futur.