La lombalgie chronique est un symptôme fréquent qui peut affecter considérablement la qualité de vie. Sa prise en charge repose sur des traitements médicamenteux (antalgiques, anti-inflammatoires,…) ou non médicamenteux, incluant les manipulations ostéopathiques. L’efficacité de cette pratique reste cependant incertaine.

Un engouement français pour les « médecines » alternatives.

Dans le contexte de défiance actuelle vis-à-vis de la médecine, les patients se tournent volontiers vers des pratiques non conventionnelles fréquemment vantées sur des supports médiatiques non contrôlés. Ces pratiques sont aujourd’hui largement répandues avec près de deux tiers des français qui leur font appel (58% pour l’acupuncture et 50% pour l’ostéopathie, sondage Harris 2019) .

Ostéopathie et lombalgies : une pratique difficile à évaluer.

Souvent considérées comme le mal du siècle, les lombalgies recouvrent un ensemble hétérogène de syndromes douloureux traduisant des origines multiples et souvent complexes (traumatisme, arthrose,..) impliquant un diagnostic étiologique et une prise en charge souvent multidisciplinaire. La pauvreté des études scientifiques dans ce domaine tient en partie à la difficulté d’évaluer l’effet propre d’une intervention en tenant compte notamment de la composante psychologique associée à la prise en charge du patient.     

Un essai randomisé contre placebo.

Un essai randomisé, réalisé en France parmi le personnel de l’AP-HP et conduit par une équipe de l’Hôpital Cochin, a évalué l’utilité des manipulations ostéopathiques chez des patients souffrant de lombalgie commune subaiguë et chronique (douleurs de plus 6 semaines). Les résultats ont été publiés le 15 mars dans la revue JAMA Intern Med.

Environ 400 patients ont été attribués par tirage au sort à deux groupes de traitement : six séances de manipulations ostéopathiques réelles ou simulées (placebo), dispensées par des ostéopathes exclusifs, à raison d’une séance toutes les 2 semaines pendant 3 mois.

L’analyse principale montre que l’ostéopathie, comparée au placebo, induit une légère réduction du retentissement de la lombalgie sur les activités de la vie quotidienne à 3 mois (réduction moyenne de 3.4 points une échelle allant de 0 à 100, p=0.01). Ce résultat est confirmé à 12 mois. La différence n’est cependant pas jugé cliniquement pertinente (amélioration d’au moins 20 points). De plus, les analyses secondaires ne révèlent aucune différence significative sur la douleur, la qualité de vie, le nombre et la durée des arrêts de travail, le nombre d’épisodes de lombalgie et la consommation de médicaments.

Des données antérieures peu concluantes et des limitations.

Cet essai réalisé avec un nombre important de sujets et par comparaison avec « placebo ostéopathique », soulève à nouveau la question de l’utilité des manipulations ostéopathiques chez les personnes souffrant de lombalgie chronique. Les résultats sont cohérents avec les données antérieures souvent fragiles et ne montrant aucun bénéfice additionnel des manipulations dans le traitement des lombalgies mêmes aigues (Lire Méta-analyse). Restent dans l’essai français des limitations qui concernent notamment la comparabilité des groupes (pas de double aveugle possible, taux de perdus de vue voisin de 20% mais sans lien apparent avec les traitements) et la généralisation difficile aux différentes formes cliniques et prises en charge (essai monocentrique sur un seul protocole)

Pas de recommandations actuelles

Les données scientifiques actuelles ne permettent pas de recommander les manipulations dans la prise en charge des lombalgies (recommandations HAS 2019). Le recours à ces pratiques devrait résulter d’une décision basée sur un bénéfice attendu limité, des risques faibles mais potentiellement invalidants (aggravation,..) et un coût souvent élevé.