Une question largement débattue qui s’oriente vers un début de consensus. Devant l’urgence sanitaire liée à la pandémie de COVID-19, la communauté internationale s’est fortement mobilisée mais d’importants contrastes persistent entre les mesures de prévention mises en œuvre dans les différents pays. Parmi les gestes barrières, le port du masque pour le public, omniprésent et parfois imposé en Asie de l’Est mais peu recommandé et souvent contesté dans le reste du monde, est un exemple de divergence dans la gestion de la crise.

L’analyse d’un groupe d’experts, publiée dans le British Medical Journal […], plaide en faveur du port d’un masque dans la population générale. Soigneusement documenté, cet article discute l’efficacité de cette mesure mais aussi son acceptabilité et les problèmes liés à sa mise en œuvre. Ce groupe s’appuie essentiellement sur le principe de précaution pour étayer ses conclusions.

Les données de la littérature scientifique dans ce domaine restent laconiques et fragmentaires mais globalement elles ne permettent pas de conclure, avec un niveau de preuve élevé, à un effet substantiel du masque dans la dynamique de transmission du SRAS-Cov-2 en population générale. Un manque de preuve n’implique cependant pas l’absence d’un effet. De plus, une mesure préventive même modeste au niveau individuel peut avoir un impact majeur à l’échelle d’une population. Par ailleurs, si l’efficacité d’un masque de protection pour prévenir la contamination virale est bien reconnue chez les patients COID-19, il ne faut pas oublier le rôle important des porteurs sains dans la propagation de l’épidémie, expliquant jusqu’à 80% des modes de transmission.

Le port du masque systématique doit être également discuté en termes d’acceptabilité et de mise en œuvre. Il est souvent avancé qu’une mauvaise utilisation le rend peu fiable et qu’il peut d’autre part conférer une fausse sécurité et un non-respect des autres gestes barrières. Cette observation implique une campagne d’information et d’éducation de masse qui, à l’instar des autres mesures, a toutes les chances d’être perçues positivement dans le contexte actuel. Enfin, la pénurie de masques ne peut être raisonnablement utilisée comme un argument en faveur de sa limitation. Une réaffectation des moyens de production semble aujourd’hui à considérer.

L’incertitude liée à l’usage des masques grand public explique en grande partie l’extrême variabilité des recommandations que ce soit d’une autorité sanitaire à l’autre mais également au cours du temps. Aux USA par exemple, le Center for Disease Control and Prevention a fait volte-face et recommande aujourd’hui le port d’un masque (même en tissus !) dans le grand public. Plusieurs pays africains viennent de le rendre obligatoire. En France, poussées par de nombreuses sociétés savantes et instances scientifiques, les autorités sanitaires ont modifié leur message et soutiennent désormais cette mesure dans la population sans pour autant l’imposer.

Au total, l’évaluation du rapport bénéfice/risque d’une mesure de prévention reste le meilleur guide pour les décideurs tout en garantissant le respect des règles d’éthiques. A côté des gestes barrières usuels qu’il convient de renforcer, on a peu à perdre et potentiellement beaucoup à gagner en préconisant l’usage massif des masques de protections. La mise en œuvre de cette mesure suscitera certainement de nombreuses questions (type de masque? médical ou alternatif? durée ? observance?…) qui ne manqueront pas d’alimenter les débats dans une société culturellement peu préparée.

« When uncertainty prevails, the certain thing to do is do some uncertain things in an ethical way »