Une prise de poids à l’arrêt du tabac peut-elle atténuer le bénéfice de cette mesure de prévention?

Le tabagisme est l’une des principales causes de décès prématurés (cancer du poumon, maladies cardiovasculaires). Il peut être évité mais l’arrêt du tabac a des effets indésirables qui peuvent dissuader les fumeurs ou questionner les anciens fumeurs. La prise de poids est particulièrement fréquente dans ce contexte. Atténue-t-elle les bénéfices de cette mesure de prévention notamment chez les diabétiques ?

Une vaste étude prospective réalisée aux USA et publié dans The Lancet Diabetes Endocrinology a concerné environ 10.000 diabétiques (diabète de type II), hommes et femmes, sélectionnés à partir de 2 cohortes (incluant 173.000 sujets) conduites auprès de professionnels de santé (Nurses’ Health Study et Health Professionnal Follow-up Study). A l’examen initial, les participants devaient être fumeurs actuels ou n’avoir jamais fumé, sans antécédent de maladie cardiovasculaire ou de cancer. Au cours du suivi moyen de 15 ans, 2.580 évènements cardiovasculaires (maladie coronarienne et AVC) et 3.827 décès ont été validés. Comparés aux fumeurs et après avoir pris en compte les principaux facteurs de confusion, les sujets ayant arrêté de fumer récemment (2 à 6 ans) et sans prendre de poids avaient un risque cardiovasculaire significativement diminué (RRajusté=0.77 ; IC 95% : 0.62-0.95) mais cette réduction était fortement atténuée en cas de prise de poids (RRajusté entre 0.89 et 1 selon la prise de poids). Une réduction significative de la mortalité toutes causes et par cancer étaient également observée après arrêt du tabac et sans prise de poids (RRajusté=0.69 ; IC 95% : 0.58-0.82) et cette diminution était similaire chez les sujets ayant pris du poids. Les auteurs concluent que l’arrêt du tabac chez les diabétiques s’accompagne d’un bénéfice global pour la santé tout en soulignant l’importance de surveiller le poids pour optimiser ce bénéfice.

Commentaires.

Le diabète, via notamment l’obésité, expose à un risque élevé de maladies cardiovasculaires et de décès prématurés que le tabagisme vient considérablement amplifier. La nicotine de la cigarette inhibe l’appétit via un mécanisme hormonal et sa chute est responsable d’une augmentation alimentaire d’environ 300 kcals/j. Un américain qui arrête de fumer prend en moyenne 5 kg en 10 ans. Un tel effet adverse peut compromettre cette tentative de réduction des risques surtout chez le diabétique. Dans un contexte d’incertitude basée sur les données antérieures, cette étude prospective est novatrice en raison notamment de la taille élevée de l’échantillon, du long suivi des sujets avec un taux limité de perdus de vue, mais aussi de la qualité des investigations (mesures répétées bien validées) et de l’analyse (contournement du biais de causalité inversée).

Ces résultats rassurants sont néanmoins difficilement généralisables aux pratiques actuelles faisant appel aux substituts nicotiniques (patches, cigarette électronique) largement utilisés comme une aide à l’arrêt du tabac. Une étude similaire entreprise aujourd’hui et prenant en compte ce type d’information aboutirait peut-être à des conclusions différentes. L’impact à long terme des cigarettes électroniques sur la santé respiratoire et cardiovasculaire reste encore mal connu et fait l’objet aujourd’hui de nombreuses controverses. Ce paramètre devra être pris en compte dans les futures investigations. Une nouvelle preuve concernant les bénéfices de l’arrêt du tabac est cependant apportée aujourd’hui. Le tabagisme explique à lui seul près de 40% des décès qui pourraient ainsi être évités.