Les statines sont largement prescrites pour réduire le cholestérol sanguin et prévenir les maladies cardiovasculaires. Elles exposent à des évènements indésirables, notamment musculaires, pouvant conduire à l’arrêt du traitement. L’origine et la fréquence de cette intolérance restent controversées. Pour répondre à cette question, des chercheurs britanniques ont réalisé un essai randomisé (Essai SAMSON) en utilisant le sujet comme son propre témoin.

Soixante patients, ayant présenté antérieurement une intolérance aux statines, ont reçu dans un ordre aléatoire et pendant 1 an des séquences mensuelles correspondant à trois traitements : 20 mg/j d’atorvastatine, placebo ou aucun traitement. La statine et le placebo étaient administrés en double aveugle. L’intensité des évènements indésirables était déclarée quotidiennement sur une échelle quantitative. Les résultats, publiés dans le New England Journal of Medicine (Lire), sont édifiants (Figure).

Ils montrent logiquement que les évènements indésirables sont plus marqués lorsque les sujets reçoivent une statine comparée à l’absence de traitement. En revanche, de façon inattendue, l’intensité de ces évènements indésirables est voisine que l’on prenne une statine ou un placebo. Ainsi, les troubles ressentis sont bien réels mais ils ne peuvent être attribués à la molécule de statine elle-même. Leur origine est liée à des phénomènes d’hétéro- et autosuggestion bien connus lorsqu’un patient a connaissance d’effets néfastes potentiels associés à la prescription d’un traitement ou d’une intervention (effet « nocebo »). A noter que près de la moitié des patients de l’essai a repris par la suite un traitement par statine avec une bonne tolérance.

Cet essai académique, réalisé avec le soutien de la British Heart Foundation et sans conflit d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique, est particulièrement élégant et ingénieux. A delà des quelques limites (petit nombre de sujets, patients sélectionnés sur leur intolérance aux statines, effets à court-terme,.. ), il permet de rappeler l’importance d’un groupe contrôle dans l’évaluation d’un traitement.

Cet essai souligne surtout la puissance stupéfiante de l’effet nocebo, souvent difficile à admettre notamment par les patients eux-mêmes, et largement utilisé et amplifié par les médias, entretenant ainsi la méfiance sociétale vis-à-vis d’un traitement ou d’une intervention. Des polémiques récentes (statines, levothyrox, ondes électromagnétiques,…) y trouvent en grande partie leur racine.

Des prolongements sont également visibles dans les débats actuels sur la vaccination contre le SARS-CoV-2 lorsque la fréquence des évènements indésirables est présentée uniquement chez les sujets recevant le vaccin mais pas dans le groupe placebo. Ce manque de rigueur scientifique contribue au doute voire au rejet de mesures de prévention pourtant efficaces et sûres.

C’est dire le rôle fondamental d’une information basée sur les preuves, complète et objective, dans les prises de décision publiques et leur impact sur la population.