La cigarette électronique est largement débattue, notamment lorsqu’elle est utilisée comme une aide à l’arrêt du tabac. L’incertitude liée à ses effets sur la santé a généré beaucoup de controverses. Des premiers résultats sur son impact vasculaire sont encourageants. Une étude prospective publiée dans Journal of American College of Cardiology a comparé l’évolution de la dilatation artérielle induite par le flux (un marqueur de la fonction artérielle mesuré dans des conditions standardisées) chez des fumeurs (>15 cig/j depuis au moins 2 ans) en cours de sevrage, répartis initialement après tirage au sort dans 2 groupes : utilisation de cigarette électronique contenant ou pas de la nicotine. Un 3ieme groupe ne souhaitant pas arrêter de fumer a été utilisé comme témoin. Après 1mois d’investigations chez 114 sujets, la fonction vasculaire, mesurée à l’aveugle de l’intervention, s’est améliorée significativement chez les vapoteurs avec un effet plus marquée chez les femmes et chez les sujets présentant de faibles concentrations sanguines d’oxyde de carbone (indicateur d’exposition au tabac). Une amélioration significative  de la vitesse de l’onde du pouls (un marqueur de rigidité artérielle) a également été observée. La présence de nicotine ne modifiait pas les variations de la fonction vasculaire. A noter quelques résultats en demi-teinte (variation complexe de la fréquence cardiaque, fonction de l’intensité  antérieure du tabagisme, tendance non significative vers une baisse de pression artérielle).  Pour les auteurs, le résultat principal de l’étude, basé sur un marqueur validé, suggère une réduction à long-terme du risque cardiovasculaire.

Commentaires

Le tabagisme reste l’un des principaux facteurs de risque cardiovasculaires évitables. Il serait la cause d’environ 7 millions de décès prématurés/an dans le monde. Toutes mesures visant à réduire cette exposition peut donc avoir des conséquences importantes en termes de mortalité et de morbidité. Des données fiables sur l’impact de la cigarette électronique ne sont pas encore disponibles car elle nécessite la mise en œuvre d’études prospectives sur le risque d’évènements cliniques (infarctus du myocarde, AVC,..) impliquant la surveillance au long cours de grandes cohortes incluant des sujets ayant recours au vapotage.

L’utilisation de marqueurs intermédiaires présente des avantages certains car elle permet d’obtenir des résultats très rapidement. Cependant, une condition nécessaire à la pertinence de ces marqueurs est l’existence d’un lien avec la survenue d’un évènement clinique. Des études antérieures ont montré qu’une augmentation de la dilatation induite par le flux égale à celle observée dans cette étude avec la cigarette électronique était associée à une réduction d’environ 20% du risque cardiovasculaire. Cet effet est substantiel mais l’extrapolation au risque clinique reste néanmoins spéculative. De plus, il est nécessaire de supposer que les effets vasculaires bénéfiques sont également observés au long court.  

Cette étude ne permet pas d’évaluer la sécurité d’emploi du vapotage lui-même. Les résultats ne sont donc pas de nature à encourager l’utilisation de la cigarette électronique comme une alternative sûre au tabagisme. Des effets délétères sur la santé liés au vapotage ont été rapportés. La récente épidémie de pneumopathies aux USA, à l’origine de 54 décès, a provoqué de nombreuses réactions concernant la dangerosité de la cigarette électronique. Le rôle direct de l’acétate de vitamine E (additif utilisé dans certaines recharges distribuées de façon « illicites » et contenant du THC, le principe actif du cannabis) a cependant pu être établi. Si la cigarette électronique ne contient pas de produits de combustion présents dans la fumée de tabac, ses différents constituants (particules fines, métaux, solvants, arômes,..) peuvent avoir des effets nocifs sur le système cardiovasculaire. De plus, elle peut induire une dépendance (via la nicotine en particulier). De nouvelles études à court et long terme prenant en compte la composition des cigarettes électroniques sont donc nécessaires.

En pratique, face à la banalisation du vapotage (3 millons d’utilisateurs en France), l’état des connaissances sur l’impact sanitaire de la cigarette électronique ne permet pas aujourd’hui de formuler des recommandations claires. Ce manque de données expliquent en grande partie  l’hésitation prudente et/ou le désaccord des principales autorités sanitaires. Il semble toutefois raisonnable de considérer le vapotage uniquement comme une aide à court terme pour l’arrêt du tabac tout en évitant le recours à la cigarette électronique chez les non -fumeurs. C’est peut-être le principal message de cette étude qui incite entre deux maux à préférer le moindre. Le marketing de la cigarette électronique mérite plus que jamais une régulation et un encadrement strict. Si les études à visées physiopathologiques sont nécessaires pour comprendre les effets biologiques des cigarettes électroniques, l’approche populationnelle est la seule à pouvoir répondre de façon adéquate aux interrogations actuelles.